
Beau comme un camion
Le nombre de camions sur les routes a explosé. Le flux se veut invisible. En un clic, on espère voir venir à notre porte n’importe quelle marchandise. La ressource pétrole, elle, s’essouffle dans un monde qui craque de partout. Peu importe : tant qu’on peut rouler, on roule. Pourtant sur le podium, les routiers passent derrière la marchandise et derrière leur camion. Leurs conditions de travail se dégradent. Il est loin, le temps des grands voyages et l’âge d’or noir. Et même si la machine à produire toujours plus s’emballe, on se surprend parfois à se demander si dans quelques décennies, les 44 tonnes existeront encore, ou s’ils figureront comme des carcasses abandonnées le long de routes impraticables.
Et si les routiers ne voyagent plus que d’entrepôts de stocks en entrepôts de stocks, ils continuent de rêver. Ils rêvent la route et ses saisons, ils rêvent l’ailleurs et ses paysages, ils se voient aventuriers et derniers nomades. Car ils sont de la lignée des chevaliers : solitaires, indépendants, prêts à endosser le mythe. Et tandis qu’ils rêvent encore, ils voient foncer sur eux la fin d’une époque.
Une autre manière de raconter cette histoire serait de dire mon amour des camionneurs. Entre mes 16 et mes 25 ans, j’ai pratiqué la route assidûment. J’ai levé le pouce en solitaire sur des centaines de milliers de kilomètres, de l’Alaska à l’Arménie, de l’Ukraine à l’Ouzbékistan. Par la route, j’ai vécu dans un monde d’hommes, et dans ce monde d’hommes, j’ai souvent été perçue comme la jeune femme en danger (princesse à protéger) ou la salope prête à baiser. Les camionneurs, eux, ont fait de moi leurs camarades. C’est à cette camaraderie du bitume que je veux rendre hommage.
Chevaliers et sorcière sur les autoroutes du XXIe siècle, nous cherchons au coeur des flux mondiaux le secret de la marge, la possibilité d’une émancipation et d’une liberté par le voyage.
« Ça, c’est le genre de pancarte qu’on aime. Ça fait pas rêver, des destinations pareils ? Roma, 589. [...] Même si on me crève les yeux j’aurais ce paysage encore dans la tête. Ah, trente ans de route, trois millions de kilomètres. Je suis millionnaire. »
Pascal, entretien du 21/04/22
Création 24-25
Théâtre
à partir de 13 ans
Durée : environ 1h10
Forme légère qui peut tourner
dans des lieux non-dédiés
Conception et écriture
Adèle Gascuel
Regard extérieur
Catherine Hargreaves
Jeu
Adèle Gascuel et Pierre Germain
Dramaturgie
Elsa Pivo
Scénographie, costumes et univers visuel
En cours
Création sonore
En cours
Création lumière
Sandrine Sitter
Beau comme un camion est un projet né dans le cadre du Vivier, dispositif d’accompagnement à la recherche scénique, du Théâtre Nouvelle Génération, Centre Dramatique National de Lyon.